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DOSSIERS - AFFAIRES JUDICIAIRES

L' HUMANITE - 20 juin 1953 - Pierre Courtade

Les Rosenberg

À l'heure où ces lignes sont écrites, vendredi soir, Ethel et Julius ne sont pas encore morts. Mais il n'y a plus aucune chance. Eisenhower a refusé la grâce. Le sang innocent va le frapper au visage. Dans quelques heures nous allons prendre l'exacte mesure de ces âmes de boue, de ces assassins qui ont l'impudence de se proclamer les défenseurs de la démocratie et de la liberté ! Ah ! Les lâches ! Ah ! Les hypocrites !
Les assassins nazis étaient ce qu'ils étaient, des bêtes sauvages sans doute, mais au moins ne venaient-ils pas avec des prêches. Au contraire, ils disaient : « Nous méprisons la justice, nous méprisons l'innocence ! »Mais ceux-là parent leur crime de prétextes moraux. Ils se cachent pour tuer derrière la statue de la Liberté !
Ils ne disent pas comme ce nazi : « Quand j'entends parler de culture je tire mon revolver ! » Ah ! non ! certes non ! Ils l'adorent, la culture Et la vertu, donc ! Et la morale ! Et la religion ! Et la Constitution ! Au point de s'adorer eux-mêmes dans leurs uniformes de chevaliers du Siècle d'or américain. Et des durs avec ça ! Durs avec les prisonniers, durs avec les innocents.
Généraux qui n'ont jamais senti passer une balle à dix mètres, politiciens qui n'ont jamais risqué ni leur vie ni leur liberté, ni même un dollar pour leurs « idées ».
Journalistes qui se sont tus jusqu'au bout. « Intellectuels » qui n'ont pas eu un mot. Et qui savaient la vérité. Qui la savent et qui se sont cramponnés jusqu'au bout à leurs chaires, à leurs prébendes.
Quelle honte ! Quelle infamie ! Il n'y a pas de mots pour ça.

Ce pays, l'Amérique, est-il perdu pour les hommes ? Nous ne disons pas cela. Cela n'est pas vrai, parce que ce pays est justement aussi le pays d'Ethel et de Julius Rosenberg. Parce que désormais la figure immense des deux martyrs exalte et illumine une lutte qui ne finira que par la victoire du peuple américain. Parce que cette Amérique d'Einsenhower est aussi l'Amérique des milliers d'hommes et de femmes courageux qui ont manifesté leur indignation. L'Amérique de ceux des juges de la Cour suprême qui ont bravé les hurlements hystériques de la racaille fasciste et qui ont voté pour l'innocence. L'Amérique de l'admirable avocat Emmanuel Bloch. C'est à cette Amérique qu'Ethel et Julius ont pensé jusqu'au bout; c'est à cause d'elle, à cause de la vision de la justice qui leur sera rendue, à cause de la vision de la paix qui triomphera qu'ils sont jusqu'au bout restés fermes. À cause de cette Amérique qui se lèvera un jour et à cause de l'immense fraternité des hommes de tous les pays dont le coeur bat pour eux, ils ont pu supporter la torture de l'espérance sans cesse déçue, jusqu'à ces heures fatales.
Mais qu'est-ce que nous avons fait pour eux, en comparaison de ce qu'ils ont fait pour nous !
Leurs souffrances ont pour des millions d'hommes projeté une lumière éclatante sur l'horreur d'une barbarie qui nous menace tous. Leur indomptable courage a déchiré le voile de l'hypocrisie.
Ils ont été, dans le sens vrai du terme et pour tous les hommes, des martyrs, des témoins.
Leur nom va frapper au visage les ennemis de la paix et de la vérité.
Il va être le ciment de l'union des hommes de tous les pays, dans l'action pour la paix.

Ainsi nous les vengerons, de la seule vengeance qu'ils acceptaient lorsqu'ils souhaitaient pour leurs enfants un monde juste et pacifié.
Ainsi nous accomplirons la promesse de cette admirable mère à ses enfants :
Joyeux et vert, mes fils, joyeux et vert
Sera le monde au-dessus de nos tombes.
Les tueries cesseront.
La terre, fleurira dans la paix fraternelle .

Pierre COURTADE

20 juin 1953

 

Article reproduit dans Un siècle d'Humanité, 1904-2004, sous la direction de Pierre Leroy, éditions, le cherche midi