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METHODES - PAR L'IMAGE - V LES MONTAGES - V2 Les légendes ou commentaires falsifiés

V 2 b - LE PALESTINIEN MATRAQUÉ AU MONT DU TEMPLE
           LE MATRAQUAGE PAR LIBÉRATION

Le 30 septembre 2000, Libération offre la une suivante, affichée dans tous les kiosques.

Libération, une du 3 septembre 2000 Légende : " Vendredi sur l'esplanade des Mosquées, un soldat israélien et un manifestant palestinien blessé. " photo Associated Press (AP).


La photo paraît aussitôt dans de nombreux journaux. C'est en la découvrant dans le New York Times qu'un lecteur reconnait son fils, Tuvia Grossman, un étudiant juif de Chicago. Il le signale au journal, mentionnant en outre que l'indication du lieu est aussi erronnée que celle de la personne blessée. Ce lieu que Libération choisit d'appeler "esplanade des Mosquées", (connu des historiens et des non-musulmans comme Mont du Temple) n'a jamais été orné de la station service visible sur la photo entière. L'AP envoya donc un rectificatif à ses clients.

Libération du 6 octobre 2000 rectifie en page 13, se contentant de la mise au point suivante :

Libé "recadre" " Nous avions, en une de " Libération ", du 30 septembre dernier, légendé cette photo de façon erronée sur la foi d'informations transmises par l'agence Associated Press.
Le jeune homme au premier plan n'est pas palestinien contrairement à ce que nous avions indiqué , mais un étudiant américain Tuvia Grossman blessé par des manifestants palestiniens . le policier au deuxième plan crie pour éloigner la foule .
La scène s'est bien passée à Jérusalem mais pas sur l'esplanade des Mosquées "

 

Libération place ce petit rectificatif en page 13, après avoir étalé sa version antérieure en Une, donc visible dans tous les kiosques de France, mais se garde bien de décrire les faits. Pourtant l'AP fournit ces précisions dans une dépêche du 5 octobre :

"Ils étaient trois jeunes Juifs américains , qui étudiaient à Jérusalem : Todd Pollock (20 ans, de Norfolk, en Virgine), Andrew Feibusch (18 ans, de Lawrence, dans l'État de New York) et Tuvia Grossman (20 ans, de Chicago). Le vendredi 29 septembre, à deux heures de l'après-midi, ils prirent un taxi pour aller prier au Mur, avant le shabbat. En chemin, des Arabes attaquèrent le taxi à coups de pierres. En quelques instants, toutes les vitres étaient brisées et les trois jeunes gens étaient tirés par la force hors de la voiture et gravement battus par la foule. Tuvia Grossman se souvient que quelqu'un lui tenait la tête, tandis qu'un autre frappait avec une pierre.
Pollock, Feibusch et Grossman parvinrent à se dégager et à s'enfuir. Tuvia Grossman tomba sur un groupe de policiers israéliens, qui tinrent en respect ses assaillants. C'est la scène qui a été immortalisée par le photographe : le jeune Tuvia est assis par terre, la tête en sang, et le policier le protège. (Le jeune homme a été hospitalisé, ainsi qu'un de ses camarades, mais leurs jours ne sont pas en danger.) "
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Le terme "provocation" placé en gros titre de Une de Libération ne semble plus évoqué par le journaliste, considérant probablement que les Israéliens provoquent tandis que les Palestiniens se contentent de "blesser". Le titre de Libération était lui bien provocateur et le "rectificatif" bien discret. Tuvia Grossman et l'association Hevel France engagent une procédure,

Le 3 avril 2002, Libération et AP sont condamnés

Par jugement en date du 3 avril 2002, la 17ème chambre de la Presse du Tribunal de Grande Instance de PARIS a condamné LIBERATION et ASSOCIATED PRESS à verser des dommages et intérêts à Monsieur Tuvia GROSSMAN.

Ce jeune étudiant juif américain, violemment pris à partie par des Palestiniens et sauvé par un soldat israélien, avait au contraire été présenté en première et pleine page de LIBERATION dans son édition du 30 septembre/1er octobre 2000 (le lendemain de la reprise de l'Intifada) comme un Palestinien victime de la violence d'un soldat israélien.

Mandaté par Monsieur TUVIA GROSSMAN, Maître Gilles William GOLDNADEL a obtenu la condamnation de LIBERATION et d'ASSOCIATED PRESS, l'agence de presse qui avait diffusé la photographie légendée de façon mensongère.

Le Tribunal a retenu non seulement l'atteinte à l'image de Monsieur GROSSMAN mais aussi la faute des organes de presse qui ont commis une "erreur flagrante" caractérisée dans le fait pour ASSOCIATED PRESS d'avoir "fourni la photographie de Tuvia GROSSMAN à ses correspondants en présentant à tort le jeune homme comme appartenant à la communauté palestinienne" et pour LIBERATION d'avoir "publié le cliché litigieux en le légendant de la même manière erronée et en lui attribuant ainsi une signification et une portée qu'il ne pouvait avoir". http://a.defis.free.fr/Condamn_liberation.html

Bilan de la désinformation

La Une de Libération a été vue par des milliers de personnes tandis que le rectificatif ne l'aura été que d'une faible quantité. L'image possède une charge émotionnelle importante, de celles qui révoltent, choquent et marquent l'inconscient de façon profonde et durable. La vision qui reste est celle d'un palestinien opprimé, désarmé, sauvagement frappé par un militaire israélien à l'expression particulièrement dure. Les rôles de tortionnaire et de victimes sont ici inversés, rejoignant ainsi ceux conformes à l'orientation de Libération et les propageant à grande échelle.

Edgar Roskis fait judicieusement remarquer dans le Monde diplomatique de décembre 2000

"Au Proche-Orient, comme ailleurs, la guerre c'est aussi une guerre des médias. Désormais, toute stratégie militaire s'accompagne d'une stratégie médiatique également sophistiquée et brutale. Les principales armes sont les images. En raison de leur force de démonstration et de leur puissance d'émotion. Mais quelles images sont les plus efficaces ? Celles, mouvantes, des vidéastes ? Ou celles, fixes, des photographes ? Et quels malentendus peuvent se glisser dans l'espace qui sépare l'intention du preneur de vues et celle du diffuseur ?" (...)
Il est cependant indéniable que dans cette lutte, dans cette guerre, l’image joue un rôle essentiel. Quand elle est permise, bon gré mal gré, elle détermine plus encore les radicalités de chaque camp. Il arrive que, pour les mêmes raisons, elle soit interdite. Exemple : un photographe du journal britannique Sunday Telegraph, témoin du lynchage par une foule palestinienne de deux réservistes de l’armée israélienne à Ramallah, s’est déclaré « bouleversé » dans une interview publiée mercredi 25 octobre par le quotidien Maariv. « J’ai été commotionné par cette scène, la plus bouleversante que j’aie jamais vécue, a affirmé Mark Seager, vingt-neuf ans, à propos du lynchage perpétré le 12 octobre dans le centre de Ramallah. (...) Le soldat était mort, mais ils continuaient à le rouer de coups. » M. Seager a indiqué avoir photographié cette scène atroce. « Mais j’ai reçu un coup de poing en pleine figure et un Palestinien m’a averti : "No pictures." »

http://www.monde-diplomatique.fr/2000/12/ROSKIS/14544

Libération aura ici, par cette image détournée, provoqué l'émotion, la colère, incité de fait à la haine et à l'accroissement de la radicalité. Il ne s'agit plus d'un travail militant mais militaire.
Ni le "rectificatif", ni la condamnation du tribunal ne permettront de compenser les dégats occasionnés dans les cerveaux par l'image. Ces redoutables associations (soldat israélien= tortionnaire, manifestant palestinien=victime), répétées si souvent, créent un conditionnement qui les rend presque définitivement indissociables. Comme pour le chien de Pavlov qui salive à la sonnerie associée par répétitionsà la gamelle, même quand la gamelle n'y est plus, l'être humain récepteur de telles images continuera à voir le tortionnaire, même quand il s'agit ici d'un militaire venant au secours d'un étudiant roué de coups.

Qui aura fait davantage de dégats dans l'opération ? La foule qui a tenté de lyncher les trois jeunes juifs ou la Une de Libération ? De récents évènements dans les banlieues françaises peuvent nous en donner quelques indications.

libération en guerre

 


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