Désinformation, Histoire, Actualité

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METHODES ET EXEMPLES

THEORIES ET METHODES  

I Définitions de la désinformation :

Comme l'indique l'introduction du site, « Les théories et méthodes de désinformation seront étudiées, en relation avec les idéologies et les stratégies qui les ont créées et les utilisent. ».
Vladimir Volkoff différencie les simples mensonges, informations fausses, partielles ou dissimulées de la désinformation : il englobe dans sa définition les fins politiques et la méthode utilisée, c'est à dire la totalité de la manipulation.« Je propose donc de n'utiliser le mot « désinformation » que dans le cas d'une manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés.  » (1)
Ainsi, il distingue la désinformation des méthodes suivantes:

- la propagande, terme initialement religieux, se fait à visage découvert. Qu'elle soit mensongère ou non, elle annonce ses intentions. Volkoff mentionne "un trait majeur de la propagande est qu'elle fait semblant de chercher à convanincre notre intelligence, mais en réalité, quand elle atteint son maximum d'efficacité, elle s'adresse à nos facultés les plus irrationnelles. "Visez les tripes" disait Hitler. Les étendards, les torches, les défilés, les saluts distinctifs et les interpellations rythmées "Sieg ! Heil ! Sieg ! Heil !" du nazisme avaient pour but de priver l'individu de son esprit critique et de l'amener non pas de la doctrine au comportement mais du comportement à la doctrine" (2). Un classement, fait par d'autres spécialistes, d'origine pluôt militaire différencie les propagandes en catégories, blanche, noire et grise. Beauvois et Rainaudi introduiront la notion de "propagande glauque", sorte d'intermédiaire.

- la publicité, qui joue sur les réflexes conditionnés, comme l'écrit Malraux, s'adresse, tout comme la propagande, plus à l'inconscient qu'à la conscience. En revanche, elle ne tente pas de faire semblant de convaincre mais de séduire, et avance également à visage découvert.

- l'intoxication, terme d'origine militaire, consiste à fournir de fausses informations à l'adversaire afin d'influencer ses décisions. Il ya bien manipulation, à des fins politiques, et par des moyens détournés. Volkoff s'appuyant sur la définition de Pierre Nord la différencie de la désinformation par la cible visée. L'intoxication viserait des décideurs, tandis que la désinformation viserait l'opinion publique.

le site PSYOPS trace un historique du terme :
La désinformation est la technique la plus complexe, mais aussi la plus difficile à classifier. Elle peut être utilisée comme action en soi ou comme support à une autre action que ce soit de manière offensive ou défensive. Ce concept provient du mot russe dezinformatzia qui signifiait dans l'encyclopédie russe de 1947 (voir Durandin, 1993) " l'utilisation de la liberté de presse pour manipuler les masses " (p.17). Montifroy (1994) la définit comme l'usage délibéré de l'information dans le but de fausser la perception de la réalité pour la cible. Elle vise soit à tromper l'antagoniste ou à influencer l'opinion publique soit en amenant la cible à comprendre certaines croyances qu'ils auraient autrement en aversion ou soit pour revendiquer un mensonge comme véridique (Montifroy, 1994). Pour Durandin (1993) il s'agit d'un mensonge organisé dans l'intention de tromper la cible en faveur de la politique étrangère de l'émetteur à une époque où les moyens de diffusion de l'information sont omni-puissant.
Volkoff (1986) pousse plus loin en affirmant que toute information a une teneur en désinformation par ce que l'individu est incapable d'atteindre l'exactitude dans ses perceptions et que chaque individu possède une appréciation relative de l'importance des choses. Une information possède deux éléments : le contenu de l'information et sa source. Il y a mensonge, et donc désinformation, quand un de ces deux éléments manque d'intégrité (Durandin, 1993).

La désinformation comme action vise principalement l'opinion mondiale et/ou l'opinion d'une population par l'utilisation de média de masse, mais pas les dirigeants (Volkoff , 1986). La manipulation des dirigeants se fait par l'entremise de l'opinion publique (Durandin, 1993). La désinformation comme support vise à renforcer l'effet des autres actions psychologiques soit en augmentant leur impact ou soit en favorisant leur caractère clandestin. Il est important à noter que la désinformation peut aussi être utilisée pour un bien commun.

Ce qui rend recevable la désinformation : le traitement du récepteur

Comment certaines désinformations peuvent-elles fonctionner là où d'autres échouent. ?
Serait-ce simplement la qualité de la désinformation qui suffirait à rendre plausible ou non l'ensemble d'informations falsifiées ?
Prenons deux exemples de désinformations effectuées avec les mêmes moyens, la même qualité et donc également crédibles a priori :

- dans la première guerre du Golfe en 1991, le danger de l'ennemi est souligné par la puissance de son armée, signalée comme 4 ème armée du monde et disposant d'une redoutable Garde Républicaine. Le procédé, selon la « grille du docteur Spin » [LIEN] , point 2 de sa grille qui en comporte 6, est le « gonflement hyperbolique des enjeux ».
La désinformation sera avalée sans le moindre problème par l'opinion publique. Il apparaîtra publiquement, après quelques jours de combat et des images bien différentes de la réalité décrite, qu'il y a eu désinformation. Cette « découverte » sera présentée avec quelque ironie suite aux images de soldats irakiens se rendant à…un photographe contraint à hâter le pas pour se débarrasser de ces encombrants guerriers désireux de faire enregistrer leur reddition au premier interlocuteur présent. Le bref interview télévisé d'un légionnaire français, tout surpris et dépité par cette même découverte « après nos entraînements et nos préparatifs, ce n'est pas du boulot : dès qu'on arrive, ils s'enfuient ».

La supercherie dévoilée, comme bien d'autres dans ce premier conflit (les fameuses couveuses débranchées), ne fera pas remettre en cause la légitimité de l'opération. On nous a menti mais c'était de bonne guerre, semble admettre l'opinion publique

- la 2 e guerre en Irak utilisera ce même point 2 de la grille du docteur Spin et gonflera le danger de l'ennemi avec les « armes de destruction massive ». Dans ce cas, malgré les mêmes moyens de diffusion et la même qualité de la désinformation, la réception sera toute autre.D'emblée, une partie de l'opinion affiche le plus grand scepticisme. Et le démenti de l'information initiale aura de toutes autres conséquences sur l'opinion publique, notamment en France : le mensonge n'est plus pardonné comme dans l'exemple précédent.

Dans les deux cas, le mensonge était crédible, de même ordre et de même qualité de diffusion ; dans les deux cas, le mensonge a été dévoilé par la suite. La désinformation n'a pourtant fonctionné que dans le premier cas, tandis qu'elle a déclenché l'hostilité et le rejet dans le deuxième cas. La manipulation a été acceptée et l'opinion a été consentante dans le premier cas, pas dans le deuxième.

Dans le premier cas, le consensus international existait, tandis que dans le second ; la France, quelques pays européens, et beaucoup de pays d'Afrique s'opposaient à la guerre. Dès lors, la France mit en route son propre travail de désinformation, notamment le point 6 de la grille du docteur Spin : la métapropagande , soit l'art de discréditer l'information venant du parti adverse en la traitant de propagande. La France, prenant la tête de la coalition anti-guerre, participait de fait au conflit en prenant position non officiellement pour un camp (l'Irak de Saddam Hussein), mais contre un camp : les Etats-Unis.

Dès lors les méthodes de désinformations utilisées devenaient en France les mêmes que celles d'un Etat belligérant et non celles d'un simple observateur.

L'étude de marché , point 3 de la grille de Volkoff, soit ce qui permet de rendre la propagande recevable, rendit des résultats très favorables : l'antiaméricanisme en France était présent et ne demanderait qu'à s'amplifier. Dès lors, non seulement la désinformation d'une armée que l'on traitait en ennemie ne pouvait plus avoir de prise, mais encore on lui opposait sa propre désinformation. On constatera que, quelle que soit la grille utilisée, tous les points définissant la désinformation dans le cadre d'une guerre ont été illustrés par les communiqués officiels et le traitement médiatique en France. Cela fera l'objet d'un autre chapitre, sur l'Irak

Ce n'est donc pas le mensonge, sa nature, son ampleur et ses buts qui rendent recevable ou non la désinformation, mais bien le récepteur, c'est-à-dire la disponibilité de l'opinion à la recevoir ou non. L'état d'esprit, le système de pensée, l'idéologie sont dès lors dominants.

Dans ce cas précis, l'étude de l'évolution en France de cet antiaméricanisme que l'on n'avait pas vu opérer dans les guerres des Balkans, ni dans la première guerre du Golfe pourrait fournir des réponses. Un chapitre sera consacré à l'antiaméricanisme en France.

 (1) p 31 – Désinformation, flagrant délit, Vladimir Volkoff, éditions du Rocher

(2) p 26 - Petite histoire de la désinformation, Vladimir Volkoff, éditions du Rocher

voir 2 : II GRILLES DE DESINFORMATION

  BIBLIOGRAPHIE

Durandin, G . , L'information, la désinformation et la réalité- Presses universitaires de France - 1993

Montiffroy, G. A ., Géopolitique International, Montréal, science et culture, 1994, 292 p.

Toffler, A.; Toffler, H ., Guerre et contre guerre : survivre à l'aube du XXIe siècle, - Fayard - 1994.

Des compétences pour l'application - Collection la psychologie sociale n°5, dirigée par Jean-Louis Beauvois- PUG- Grenoble

Vladimir Volkoff : Désinformation, flagrant délit - Editions du Rocher 1999 - Un décryptage magistral des méthodes utilisées en désinformation à travers l'exemple du Kosovo. Un descriptif des diverses grilles et théories sur la désinformation particulièrement intéressant.

Vladimir Volkoff : La désinformation, arme de guerre , textes de base présentés aux éditions l'Âge d'Homme, 1986

Vladimir Volkoff : Petite histoire de la désinformation , éditions du Rocher (1999) - Collection : Documents-289 pages - ISBN : 2268032019 -

Vladimir Volkoff : Désinformation par l'image - Editions du Rocher (2001) - Collection : Documents 127 pages - ISBN : 2268040720 -

R.V. Joule et Jean-Louis Beauvois : La soumission librement consentie - PUF

George Orwell : 1984 – Folio n° 822 Jean Sévilla : Le terrorisme intellectuel - Perrin