Désinformation, Histoire, Actualité

  Sommaire

Accueil
Nouveautés
Actualités
Méthodes et Exemples
Dossiers
Histoire
Documents






DOSSIERS- AFFAIRES JUDICIAIRES

AFFAIRE ROSENBERG : L'IMPOSTURE

« Le vendredi 19 juin 1953, avant le coucher du soleil, l'Amérique malade du maccarthysme sacrifie les Rosenberg sur l'autel de la guerre froide »

C'est en ces termes que Le Parisien présente le documentaire de Blanche Finger   Ethel Rosenberg, la dernière danse   (diffusé sur France 2, le 20 juin 2003 à 22h35) consacré à l'affaire Rosenberg, du nom de Julius et Ethel Rosenberg, ce couple de juifs new-yorkais condamné le 5 avril 1951 pour espionnage en faveur de l'URSS et exécuté le 19 juin 1953.

Ce n'est point un hasard si il se concentre sur Ethel : avec une épouse exemplaire et mère de deux enfants, on joue indiscutablement la corde sensible et l'on est amené aux conclusions suivantes : deux gentils communistes ont été ignominieusement condamnés pour délit d'opinion par les méchants Américains « fascistes » « maccarthystes » et « antisémites ». (1)
S'ajoute à cela que les commentaires sont assurés par Marina Vlady, comédienne connue pour ses sympathies communistes : elle fut, dans les années 1970, membre de la présidence nationale de l'Association France-URSS (qui, dans son N° 87 de mai 1976, avait publié un reportage de vingt pages -pas moins- nous présentant le Goulag comme un camp de vacances).

Le film de Blanche Finger (2) n'est, en fait, qu'un élément dans la campagne visant à la réhabilitation du couple, dans le cadre du 50eme anniversaire de leur exécution : publication du livre de Gérard A. Jaeger Les Rosenberg. La chaise électrique pour délit d'opinion ( sic ) paru aux éditions du Félin, manifestation organisée le 19 juin 2003 au 94, rue Jean-Pierre Timbaud (Paris XIe) à l'initiative de l'Association pour le réexamen de l'Affaire Rosenberg, (3) rien ne manque ! Déplorant le mutisme des autorités américaines concernant la réouverture du dossier, Gilberte Salem- pilier de l'association précitée- explique dans L'Humanité Hebdo (14-15 juin 2003) :

« Ils ne peuvent revenir sur une affaire aussi exemplaire. Cela permet de garder le même schéma pour des procès à venir. Avec Mumia Abu Jamal, on a aussi affaire à des faux témoignages, des personnes qui se rétractent sans que, pour autant, un innocent sorte du couloir de la mort. Idem pour les personnes enfermées à Guantanamo. Depuis le 11 septembre, on assiste à une nouvelle chasse aux sorcières ! »

Gilberte Salem ne se contente pas de ces amalgames : « …scientifiques, juifs et communistes, les Rosenberg étaient les coupables idéaux dans la liste des suspects du FBI… »
Peu importe que lors du procès, le juge (Irving Kaufman) et le procureur (Irving Saypol) étaient de confession israélite, et que les principales associations juives américaines de l'époque- American Civil Liberties Union et American Jewish Committee - n'aient rien vu d'anormal dans la condamnation des Rosenberg: il fallait qu'on nous ressorte l'argument de l'antisémitisme.

Tout ceci nous montre que la désinformation sur cette affaire a la vie dure ; peu de choses semblent avoir changé depuis les diatribes de Jean-Paul Sartre dans Libération du 22 juin 1953, que nous citons pour mémoire : « Les autorités américaines ont choisi d'être des bêtes, des bêtes malades. (…) Ne vous étonnez pas si nous crions d'un bout à l'autre de l'Europe : « Attention, l'Amérique a la rage ». Tranchons tous les liens qui nous rattachent à elle, sinon, nous serons à notre tour mordus et enragés. » Oui, aujourd'hui encore, de nombreuses personnes- et pas uniquement d'extrême gauche- (4) croient en la totale innocence du couple juif new-yorkais ; d'autres affirment que si Julius et Ethel ont fait quelque chose, cela ne devait pas être bien grave : après tout, quoi de plus naturel d'informer l'Union soviétique, la « patrie du socialisme », des avancées technologiques militaires dans les années 1930-1940 (thèse exposée dans le livre de Gérard Jaeger évoqué plus haut) ? Remplacez « Union soviétique » par « Allemagne nationale-socialiste », les réactions indignées ne tarderont pas : deux poids, deux mesures.

C'est le droit de tout un chacun de penser que les Rosenberg méritaient ou ne méritaient pas d'être condamnés à mort et envoyés à la chaise électrique. Mais les faits demeurent : l'ouverture des archives du FBI, du KGB (ouverture partielle dans ce cas précis) et les révélations de la CIA ont confirmé la culpabilité du couple- les ouvrages de Ronald Radosh et Joyce Milton ( Dossier Rosenberg , fruit de l'étude des 200 000 pages du dossier de la justice américaine, Paris, Hachette, 1985) et de Florin Aftalion ( La trahison des Rosenberg , Paris, éditions Jean-Claude Lattès, 2003) démontrent que l'argumentation de Gilberte Salem ne tient pas la route. Au lieu de s'apitoyer sur la « chasse aux sorcières », pourquoi n'évoque t-elle pas le programme Verona, cet ensemble de messages secrets décodés par les services américains qui prouve de manière irréfutable la participation des époux Rosenberg à un réseau d'espionnage au profit de l'URSS, et les révélations faites par d'anciens responsables des services de renseignements soviétiques, tel Pavel Soudoplatov, Vladimir Tchikov et Alexandre Feklisov, l'officier traitant de Julius Rosenberg au consulat soviétique de New York ?

Ceux et celles qui, aujourd'hui, soutiennent que les Rosenberg furent victimes d'une parodie de procès ne sont guère différents de leurs aînés, qui, tout en criant : « Il faut sauver les Rosenberg ! » passaient sous silence les procès staliniens se déroulant de l'autre coté du Rideau de fer (c'est évidemment au procès Slansky que nous pensons) ; les mêmes avaient approuvé les excès de l'épuration de 1944-1945.

Qu'il nous soit également permis de leur rappeler que Julius et Ethel auraient pu sauver leur vie s'ils s'étaient montrés plus coopératifs ; le responsable de l'exécution, William Caroll, l'a déclaré au New York Daily News  : « Il y avait un fil téléphonique direct entre la prison et Washington. J'avais ordre d'arrêter l'exécution à n'importe quel moment si les Rosenberg s'étaient déclarés prêts à coopérer avec le gouvernement. »

Par fanatisme idéologique, ils ont préféré se taire- car ils savaient pertinemment, eux, qu'ils n'étaient pas innocents. Conclusion : aujourd'hui comme hier, la réhabilitation des Rosenberg ne s'impose absolument pas.

 

NOTES :

(1) Contrairement à une légende tenace, le sénateur Joseph Mac Carthy n'est nullement intervenu dans le procès et la condamnation des Rosenberg. A ce sujet, consulter le livre de Jean-Paul Törok : Pour en finir avec le maccarthysme (Paris, L'Harmattan, 1999). Peut-on qualifier les Etats-Unis de 1953 de pays « fasciste », voire de pays totalitaire ? Si tel avait été le cas, les fils Rosenberg, Michael et Robert, auraient partagé le sort de leurs parents : étendre la culpabilité des accusés à leur propre famille était un procédé cher à Staline et à Hitler.

(2) Blanche Finger n'est autre que l'épouse de William Karel, auteur de documentaires contestables- et sur certains points carrément mensongers- sur l'extrême droite ( Histoire d'une droite extrême , en deux parties- rediffusé comme par hasard pendant l'entre-deux tours de la présidentielle 2002) et George W. Bush ( Le monde selon Bush ). En somme, nos deux désinformateurs se sont bien trouvés.

(3) Pour avoir une idée du délabrement intellectuel des défenseurs du couple Rosenberg, voici un échantillon de leur prose, ou ils insultent littéralement les historiens spécialistes de l'affaire : « Les falsificateurs qui nient le génocide hitlérien et les chambres à gaz ne sont pas les seuls « révisionnistes » à masquer ou à effacer le crime. » Si ce n'est pas se moquer du monde, cela y ressemble.

(4) Que les communistes présentent encore de nos jours les Rosenberg comme des victimes de la haine antisémite et anticommuniste lors de la Fête de L'Humanité et autres manifestations tel le « festival étudiant contre le racisme » n'est guère surprenant. Mais lorsque ces inepties sont reprises par le magazine Dossiers criminels -disponible en kiosque et, semble-t-il, apolitique - dans son numéro hors série de l'automne 2003 consacré à la peine de mort, il y a lieu de se poser des questions !

Voir également l'article de Pierre Courtade dans l'Humanité du moment :
Rosenberg, l'humanité du 20 juin 1953