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METHODES - LE CONDITIONNEMENT - LES ANALOGIES

LA NAZIFICATION

Les formes

Un chapitre est dédié à la nazification par l'image. L'image ne vient souvent qu'achever un travail de désinformation déjà avancé en transformant un personnage politique en SS, voire en Hitler lui même.Les affiches et photos des personnes visées se voient décorées de divers symboles nazis allant de la croix gammée au sigle SS, sans oublier la mèche et la petite moustache.Le procédé peut même être utilisé contre une nation entière, comme ce fut le cas contre les Serbes, contre les USA, et contre Israël, dont les drapeaux se virent orner, ces dernières années de croix gammées lors de manifestations dites pacifistes. La presse est plus prudente et ne peut se permettre ouvertement d'afficher la conclusion d'une telle démarche, même quand elle a contribué à créer l'analogie. Quelques bavures se produisent néanmoins, puisque le Monde fut condamné pour sa nazification de la nation serbe.

La personnalisation de l'ennemi
La méthode la plus prudente consiste à nazifier seulement le chef d'Etat de la nation visée, ce qui offre l'avantage de ne pouvoir être taxé de racisme. Il est souvent aisé de déguiser l'antisémitisme par exemple, en le dissimulant sous un simple "anti-Sharonisme", son antiaméricanisme sous un concentré d'attaques contre Bush, les appels à bombarder les Serbes cachés sous un antinazisme visant Milosevic, comme l'antigaullisme a pu être chez certains une simple forme d'anticapitalisme. Ce procédé vise également un autre procédé classique de désinformation des temps de guerre, celui d'opposer une population à ses dirigeants. La méthode peut être utilisée par la rue, par la presse, mais aussi par des Etats : l'exigence faite au peuple serbe de démettre son président élu régulièrement était accompagnée de menaces de bombardements, mais aussi de fortes pressions morales. "Si vous ne vous désolidarisez pas de Milosevic, vous serez tous considérés comme nazis par le monde entier."

L'efficacité de la nazification
Si de tous temps accuser l'ennemi d'atrocités a fait partie de l'arsenal de la propagande guerrière, la nazification en évite la description et la précision : mieux elle permet d'éviter d'avoir à mentionner les faits. Il suffit d'accuser quelqu'un de nazisme pour que les visions de l'horreur des camps de la mort surgissent aussitôt dans les esprits. Le pouvoir émotif du mot et des images associées est tel que les vérifications et le raisonnement seront neutralisés. Tout apprentisage est placé sous la domination des sphères supérieures du cortex cérébral, celles de l'affectivité. Et le conditionnement est un apprentissage. La nazification offre ainsi le triple avantage de symboliser le mal absolu, d'inhiber le raisonnement et la vérification au profit de la seule émotion, et d'apparaître comme "le camp du bien" par opposition à ce mal absolu. L'attaque par nazification est imparable.
Ce dernier aspect traduit l'objectif politique de la démarche, les deux premiers n'étant que les formes de conditionnement utiles à cet objectif.

Un épouvantail crédible ?
Chacun peut se douter que l'objectif de ceux qui usent et abusent de la nazification n'est pas la lutte contre le nazisme : les amateurs de IIIe Reich peuvent difficilement représenter un danger sérieux de prise de pouvoir, ou même de courant politique d'envergure. Les quelques groupuscules marginaux affichant leur néo-nazisme, même en exhibant à l'occasion un nostalgique SS grabataire extrait de sa maison de retraite pour une réunion, semblent plus se limiter à la provocation qu'à une quelconque illusion d'avenir politique. Un récent rapport des Renseignements généraux français [LIEN] en démontrait l'aspect marginal tant politique que numérique.
Les courants marxistes ou assimilés qui agitent cet épouvantail sont trop lucides pour croire eux-mêmes à ce danger. Si la crédibilité des buts du marxisme s'est effondrée, chaque tentative ayant débouché sur des résultats pires que le mal qu'elle prétendait combattre, la méthode d'analyse, elle, conserve des aspects fort rationnels. Et tout marxiste sait pertinemment qu'un système politique doit nécessairement être adapté aux besoins de l'économie, au développement des forces productives. Les tendances économiques actuelles ne sont pas précisément porteuses de systèmes étatiques totalitaires rigides et nationaux, mais bien de structures libérales et mondialistes. C'est d'ailleurs ce qu'ils fustigent de façon permanente. Dès lors comment pourraient-ils rendre plausible un tel divorce entre les structures économiques et politiques. Le nazisme représenterait-il un besoin actuel du marché ? Piètre raisonnement qu'aucun idéologue sérieux, fut-il aliéné au plus haut point, ne pourrait tenir sans rire, à moins que les arrières pensées et objectifs dissimulés n'en justifient l'utilisation. Nous avons donc une illustration parfaite de la définition de la désinformation : la cible visée est la population et non les dirigeants qui n'y croient pas eux-mêmes, les moyens utilisés sont des moyens détournés, et les objectifs,dissimulés, sont politiques. L'accroissement des enjeux, le grossissement de l'importance de l'ennemi, est décrit dans la grille Volkoff de désinformation.

Les buts réels : l'intérêt de la nazification

La lutte posthume contre le nazisme

Un bon moyen de dissimuler un passé gênant

Dès 1945, l'URSS tenta de se refaire une image par le procédé suivant : le nazisme étant apparu comme le mal absolu suite aux révélations publiques et mondiales des atrocités commises, il devenait extrêmement profitable d'apparaitre comme l'ennemi principal du mal absolu. L'ennemi du mal ne pouvait qu'être le bien. On vit donc soudain une focalisation communiste contre le nazisme qui aurait été certainement plus utile avant guerre qu'après.
Staline n'était plus le dictateur sanguinaire, l'épurateur de populations, le geôlier des lendemains qui chantent, le pillard de l'or d' Espagne, l'agent de voyage des trans-sibériens, il devenait "le vainqueur de Stalingrad", "l'homme qui avait triomphé du nazisme".
Indiscutablement, l'armée rouge avait joué un rôle décisif dans la défaite allemande et avait donc vaincu et achevé le nazisme.
On effaçait le tableau avec la bonne grosse éponge de la désinformation pour ne conserver que l'icône d'un communisme transformé soudainement en antithèse du nazisme. On allait utiliser le "devoir de mémoire" en se limitant aux conséquences de la guerre et aux atrocités, et en effaçant soigneusement ce qui avait facilité l'essor du nazisme. Bien avant le pacte germano-soviétique, une véritable coopération économique et militaire était engagée entre l'URSS et l'Allemagne, allant jusqu'à la formation de bases aériennes allemandes en Ukraine. Les directives de l'Internationale communiste était fort claires et désignaient la social-démocratie comme ennemi principal. La lutte contre le nazisme était traitée ainsi par Molotov au conseil suprême des Soviets de l'URSS, le 31 octobre 1939 : "On peut rejeter ou admettre des idées politiques comme celles du national socialisme, mais il est insensé et criminel de déclarer qu'elles sont une raison de guerre"(1). En 1926 déjà, "l'antifascisme bourgeois" manifesté contre l'Italie était raillé par le PCF. La priorité reste "la lutte contre sa propre bourgeoisie, le défaitisme et la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" (2)
Le pacte germano-soviétique présenté, parfois avec gêne par les communistes français comme une victoire de la paix , place en priorité la défense de l'URSS "patrie des prolétaires", au détriment de la défense de la France et de l'Angleterre. Le calcul stratégique de Staline est fort loin de la "lutte contre le nazisme" qui est évoquée depuis peu dans l'Humanité. D'ailleurs la formule "guerre des riches" que l'on retrouve dans tous les écrits communistes, et le refus de choisir un camp dans cette "guerre impérialiste" est accompagnée du travail de "défaitisme révolutionnaire" qui consiste à prendre pour ennemi principal "l'armée de sa propre bourgeoisie" et à y organiser un sabotage actif moral et matériel.
Or travailler à la défaite de l'armée française revient de fait à travailler pour la victoire de l'armée allemande, et donc du nazisme.

L'Humanité du soldat du 1er mai 1940 définit la guerre actuelle comme "guerre impérialiste", renvoyant dos à dos "les financiers franco-anglais et les gros industriels allemands" en indiquant "leur querelle n'est pas notre querelle". "Nous ne croyons plus aux bobards sur "la défense de la liberté et de la civilisation"
"Non, mille fois non, cette guerre n'est pas la guerre de la liberté contre le fascisme" (4) indiquera l'appel de de la Fédération des jeuneses communistes de France.
Après la défaite, Thorez écrit : "L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'histoire. Bilan : l'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre. La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet évènement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de metre tout en oeuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive". Il ressort, à la constatation que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel. Lénine nous a appris qu'il ne faut pas hésiter, lorsque la situation le commande et lorsqu'il y va de l'intérêt du peuple, à s'allier - occasionnellement - même au diable... Quiconque ne comprend pas cela n'est pas un révolutionnaire" (5)
Certains courants trotskystes poussèrent cet internationalisme plus loin, allant jusqu'à combattre militairement aux côtés des Allemands, mais cela reste extrêmement marginal et fut monté en épingle après guerre par le PCF, tant pour discréditer le trotskysme que pour attirer l'attention ailleurs que sur le propre rôle du PCF en 1940.
Un dossier entier sera consacré, sur ce site, aux communistes et à la guerre de 1939-1945. Leur rôle était évoqué brièvement ici pour souligner le paradoxe de l'agitation de l'étendard antinazi après guerre par ceux qui ne l'avaient pas jugé utile ni pendant ni après la guerre. C'est donc après guerre que la lutte contre le nazisme deviendra un axe central de la propagande de l'Internationale communiste et de sa section française, le PCF.

L'antinazisme posthume : un moyen redoutable de nier ou minimiser tout autre mal

Le tour de passe-passe fut magistral.On vit le PCF prendre la direction de toutes les associations possibles, en créer de nouvelles et utiliser toutes les possibilités offertes par une présence au gouvernement, que De Gaulle avait lui dû accorder par compromis, pour se placer en position de monopole dans tout secteur lié aux représentations de la guerre, de la résistance, de la déportation. La chose est d'autant plus contradictoire que ceux des communistes qui avaient rejeté les directives communistes et le pacte germano-soviétique, ceux qui avaient effectivement résisté (certes seulement à partir de l'entrée en guerre de l'URSS), avaient pour la plupart été écartés de l'appareil du parti au profit d'un Thorez fort mal placé, après sa désertion, pour parler de lutte contre le nazisme. Pourtant, malgré l'indignation de résistants et d'historiens effarés par l'audace et l'ampleur d'une telle usurpation, cette vision de légende finira par s'imposer jusque dans les manuels scolaires.

Le bénéfice de cette lutte posthume et usurpée contre le nazisme est gigantesque au point qu'il est encore difficile d'en mesurer la totalité des effets.
D'une part, comme indiqué plus haut, en devenant le champion de la lutte contre le mal absolu, on offrait, par la négative, une image positive. Cette image positive permettait de considérer comme secondaire, voire négligeable, tout autre massacre, déportation, torture en teritoire communiste, qui commençait à être révélée de façon gênante en Occident. L'effet est encore mesurable de nos jours puique la sortie du Livre noir du communisme (6)se vit, malgré les chiffres et preuves fournis, accueillir avec une relative indifférence, quelques dénégations mais surtout l'argument "le communisme a lutté contre le nazisme, donc il ne faut pas comparer les deux" . Il y avait un mal absolu, et tout autre mal devenait secondaire, comme une sorte de dommage colatéral dirait-on aujourd'hui.
L'automatisme ainsi créé fut tellement efficace que le PCF parvint même à faire taire toute dénonciation de l'antisémitisme d'Etat pratiqué en URSS chez les juifs communistes, notamment au sein du Mrap pourtant créé en 1949 pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme. On y reconnaissait à mi-voix l'existence, mais on ne tenait à ternir l'image du pays "vainqueur du nazisme" : cela aurait profité aux "forces du mal absolu" et de la réaction.Pourtant, même le graphisme des campagnes antisémites soviétiques sera emprunté à l'iconographie nazie.

Le terrorisme intellectuel fut poussé à tel point qu'aujourd'hui encore, toute personne comparant les camps nazis et ceux créés par les communistes se voit soupçonné immédiatement de vouloir minimiser le mal absolu, et de nourrir d'obscurs dessins hitlériens. La révélation des cent millions de morts par le communisme, des déportations massives, des exterminations, de l'Ukraine au Cambodge n'y fit rien. Des années de désinformation historique et d'automatismes cérébraux fabriqués empêchaient que l'information soit acceptée et que le raisonnement et la réflexion historique et politique ne se substituent au pouvoir du dressage subi. Si le PCF n'est plus aujourd'hui qu'un groupuscule, les mécanismes mentaux créés lui survivent encore activement et se perpétuent tout autant qu'avant. Non seulement de nouvelles formes de la même idéologie, à travers les trotskystes, les Verts, les altermondialistes lui ont permis un redémarrage, mais encore la méthode de nazification s'est amplifiée au point de devenir élément de la pensée officielle. Elle allait être utilisée contre des Etats, des hommes politiques à travers des campagnes disposant de moyens technologiques bien supérieurs à ceux dont disposait l'Internationale communiste d'après guerre. En cela la nazification ne servirait plus à cacher ses propres compromis et soutiens objectifs au nazisme, ses propres crimes ou à les minimiser, comme le faisait le communisme : elle ne serait plus seulement un bouclier face aux critiques, elle deviendrait arme de guerre et passerait à l'offensive. On ne se contenterait plus de se parer à bon compte des vertus de l'antinazisme, il fallait transformer, par analogies, l'ennemi en nazi et passer ainsi au stade de la nazification proprement dite, après s'être fait passer pour champion de la lutte antinazie.

Contre le nazisme, tout est permis : il suffit donc de créer des nazis

Une fois le nazisme posthume défini comme seul et unique mal absolu, il devient admis comme légitime d'utiliser toutes les armes contre lui. La formule totalitaire "pas de liberté pour les ennemis de la liberté" s'appliquerait sans la moindre retenue à partir du moment où à défaut du nazisme, disparu depuis longtemps, on parviendrait à faire qualifier l'ennemi de nazi. On pourrait ainsi légitimer ses propres méthodes contre lui et sans la moindre limite. Dès que l'ennemi serait nazifié, il deviendrait possible d'utiliser la violence, le mensonge, l'assassinat, le vol, le bourrage d'urnes, la terreur et tout autres illégalités. L'enjeu était de taille : en effet comment, dans un état démocratique avec élection au suffrage universel peut-on renverser un gouvernement élu sans recourrir à de telles méthodes ? Comment justifier l'usage de la violence par l'insurrection armée du prolétariat, inscrite au programme de l'internationale communiste, aux yeux de l'opinion, sans apparaître antidémocratiques et terroristes ? Seule la lutte contre le nazisme pourrait permettre de telles justifications.
Si l'on parvenait à nazifier l'ennemi, on parvenait du même coup à faire passer pour actions résistantes, et donc légitimes, ses propres actes antidémocratiques. Le même procédé a été récemment étendu au colonialisme, après quelques décennies de travail intensif sur les esprits pour en faire un deuxième "mal absolu" . Les islamistes utilisent aujourd'hui l'alibi anticolonialiste pour tenter de légitimer leurs méthodes et objectifs profondément colonialistes, comme les communistes utilisèrent l'alibi antinazi pour lutter contre la démocratie.
Les divers groupements "antifascistes" créés par la gauche et l'extrême gauche permirent ainsi, non seulement de recruter largement en se forgeant une image de démocrates, mais encore de pouvoir constituer de véritables milices sous couvert de résistance à un nazisme fictif.
La méthode fit école puisque l'OTAN s'en empara à une échelle jamais vue : en nazifiant les Serbes, on se permettait, au nom de la démocratie de bombarder un pays qui n'avait déclaré de guerre à personne, n'avait franchi aucune frontière, et dont le président était élu régulièrement.

 

Les procédés par analogie : 60 ans de nazification de la vie politique

Dès les débuts de la guerre froide, le PCF utilise la nazification contre les Etats-Unis. Pratiquement tous les textes produits à cette époque font référence au nazisme et au fascisme sous forme allusive ou directe.

En 1950 l'article de Pierre Courtade dans l'Humanité intitulé "le peuple coréen lutte pour la paix" conspue les Etats-unis et trace cette analogie "Ainsi Hitler se déclarait constamment menacé par les peuples qui ne voulaientpas de ses Seyss-Inquart et de ses Heinlein." (7)

En 1951, l'Humanité évoque des affrontements à venir sur les docks, car face au blocage effectué par les dockers communistes, les Américains ont prévu d''embaucher des hommes pour protéger leurs expéditions. Benoît Frachon "Ainsi cette réunion aide à disspier les fumées d'une propagande officielle et officieuse qui s'apparente de plus en plus à celle de feu Goebbels" (...)"Tous les Français savent bien que les méthodes de type hitlérien qu'on voudrait imposer à notre pays mènent à la guerre. Ils ne veulent pas de la guerre, ils ne toléreront pas l'installation de la dictature fasciste" ( 8)

En 1953, Pierre Courtade écrit dans l'Humanité avant l'exécution des Rosenberg : "Dans quelques heures nous allons prendre l'exacte mesure de ces âmes de boue, de ces assassins qui ont l'impudence de se proclamer les défenseurs de la démocratie et de la liberté ! Ah ! Les lâches ! Ah ! Les hypocrites ! Les assassins nazis étaient ce qu'ils étaient, des bêtes sauvages sans doute, mais au moins ne venaient-ils pas avec des prêches." (...)
"Ce pays, l'Amérique est-il perdu pour les hommes ? Nous ne disons pas cela. Cela n'est pas vrai parce que ce pays est justement aussi le pays d'Ethel et Julius Rosenberg. Parce que désormais la figure immense des deux martyrs exalte et illumine une lutte qui ne finira que par la victoire du peuple américain.(..) L'Amérique de ceux qui ont bravé les hurlements hystériques de la racaille fasciste et qui ont voté pour l'innocence".(9)

Tout y est : les juges américains sont plus hypocrites que "les assassins nazis", la démocratie n'est qu'un masque, les Rosenberg sont des martyrs et ceux qui ne les considèrent pas comme innocents sont de "la racaille fasciste". L'auteur ignorait peut être à ce moment que les Rosenberg travaillaient effectivement pour les services secrets soviétiques, et croyait-il réellement à leur innocence, comme beaucoup le croient encore dans l'opinion malgré les preuves formelles de tous les historiens ? Ce n'est pas ici le sujet qui nous préoccupe mais cet exemple démontre l'utilisation de la nazification contre les USA par les communistes. La situation est celle de la guerre froide, et les procédés de désinformation utilisés ici dans l'Humanité représentent, sous couvert de lutte antinazie, une volonté de nuire à l'image des USA par nazification et de sauver deux espions des services soviétiques. C'est bel et bien un acte de guerre dans un contexte de guerre et les mobilisations déclenchées par l'Internationale communiste sous couvert de lutte antinazie l'illustrent parfaitement.


La méthode est étendue à l'armée française dès le début de la guerre d'Indochine. Dans un étonnant article de l'Humanité-Dimanche du 20 avril 1954 Roger Vailland raconte la visite de communistes chez la mère d'un engagé volontaire, ex-sympathisant communiste, qui vient de sauter sur une mine. Il se délecte en rapportant que, fidèles au communisme, la mère et la fille du soldat tué traitent le défunt de salaud pour son engagement en Indochine. Le frère aîné "Je lui avais expliqué que les paysans du Vietnam sont des travailleurs comme nous, comme qui dirait nos cousins, et qu'il serait forcément amené à se conduire là-bas comme des hitlériens se sont conduits ici." (10)

En fait l'essentiel de la propagande communiste ne consiste pas, après guerre, à vanter les mérites du communisme, les réalisations de l'URSS, le bonheur des lendemains qui y chantent, mais à démontrer l'horreur du capitalisme. En cela la nazification deviendra l'arme principale. Le PCF ne fait plsu de propagande ou presque pour le communisme, mais contre le capitalisme. Et la lutte contre le capitalisme sera engagée sous couvert de lutte antifasciste. Tout le monde devient vite fasciste ou nazi : du chef d'entreprise au docker non-communiste, en passant par les Américains et l'armée française. Les Américains viennent pourtant de libérer la France du nazisme, et l'armée française en Indochine est composée de nombreux hommes revenus avec l'armée d'Afrique et la résistance des combats de Provence, d'Italie, des Vosges et d'Alsace. Rien n'y fera : ils supporteront la nazification de ceux qui en 1940 expliquaient qu'il fallait travailler à la défaite de son propre pays, et donc, de fait à la victoire du nazisme.

Poujade n'y échappera pas plus que le maréchal Juin qui avait pourtant combattu avec efficacité les troupes nazies et en est remercié par la plume de Waldek-Rochet en ces termes dans l'Humanité du 1er octobre 1955 " certains de ses lieutenants (il s'agit de ceux de Poujade) ne cachent pas que l'objectif, après avoir liquidé le parlement, c'est de porter le maréchal Juin au pouvoir, à la faveur de troubles fascistes, comme le fit Pétain en 1940, à la faveur de la défaite". Outre le toupet "d'oublier" d'avoir oeuvré à cette défaite et de rappeler que Pétain n'a pas conquis le pouvoir mais que l'Assemblée s'en est débarrassé en le lui confiant, l'Humanité vient accuser le maréchal Juin de fomenter un coup d'Etat fasciste.Aucun historien n'a jamais fait mention d'une telle intention ou préparation.(11)

Les dissidents soviétiques, ceux qui ayant réussi à franchir le rideau de fer tentent de témoigner, seront également nazifiés par les communistes. Si en URSS, en Hongrie, on se contente de traiter de contre-révolutionnaires les opposants au communisme, en France, le PCF ira au-delà en leur réservant les qualificatifs devenus habituels de la nazification. Les ouvriers hongrois et polonais sur lesquels tirent les troupes soviétiques en 1956 se voient nazifiés dans la presse communiste qui salue leur répression.

Le 13 mai 1958 André Guérin qualifie dans l'Humanité la prise de pouvoir par De Gaulle de "putsch fasciste". Chaban-Delmas, ancien résistant n'est pas davantage épargné par cette nazification : "De Londres au RPF, du RPF à l'ARS, le maire de Bordeaux a fait toute sa carrière dans le gaullisme. Celui qui rime avec fascisme , bien entendu." .
Personne ne s'interrogera suite à ce "putsch fasciste" sur la réalité de l'Etat fasciste qui aurait donc été instauré en France de 1958 à 1970...

Pendant la guerre d'Algérie, le PCF commence par nazifier l'armée française, bien que les bombardements de Sétif aient été en 1945 ordonnés par un ministre communiste contre "les fascistes algériens", et que la gauche ait pris une part importante dans le déclenchement de la guerre. Les choses évoluent par la suite, le PCF ayant créé le PCA, ne s'engage pas directement au côté du FLN, et, malgré des relations très suivies, ce n'est qu'à titre individuel que des communistes participeront aux acttions du FLN. Une nouvelle gauche vient de se créer, ne se contentant pas de manifester "pour la paix en Algérie" mais pour la victoire du FLN. Cette frange naissante d'où est issue l'actuelle extrême gauche prendra la relève de la nazification et l'étendra davantage encore. Pour l'instant, la guerre d'Algérie fait passer la nazification de l'armée française à l'OAS. Sans s'étendre ici sur les méthodes utilisées par les uns et les autres, sur la légitimité de tel ou tel combat, la question qui seule pourrait donner un sens à cette nazification est : Y a-t-il eu, chez De Gaulle, ou à l'OAS, un projet de société nazie, avec extermination programmée d'une population ? Aucun historien sérieux ne pourrait soutenir une telle hypothèse.

Les révoltes anti-autoritaires étendent la nazification

1968 voit le développement de cette nouvelle extrême gauche, issue tant de la guerre d'Algérie que de la scission du mouvement communiste international qui, dès 1964, partage les partis communistes en pro-Chinois et pro-Russes. Les courants troskystes resurgissent, les nouveaux  goupes maoïstes sont en plein essor, et les anarchistes passent de l'anarcho-syndicalisme espagnol (CNT-AIT) au "ploum-ploum-tralala, anarchie vaincra" des nouveaux libertaires et pacifistes. La méthode de nazification s'étend bien au delà des bornes jusque là fixées par le PCF : tout acte autoritaire devient synonyme de fascisme, la lutte anti-autoritaire devenant un pilier central de cette nouvelle "contestation"
Inversement, le PCF passablement débordé maintiendra pendant longtemps l'équation gauchistes=fascistes, que les gauchistes lui retourneront aimablement. L'aspect anti-autoritaire des nouveaux courants fait qualifier tout ce qui peut représenter l'autorité de fasciste, voire nazi, du petit-chef en usine au gardien de la paix en passant par le bedeau d'église. Le recteur de Nanterre, ancien résistant se fait traiter de nazi pour avoir refusé la mixité des chambres universitaires, tandis que Cohn Bendit parlera du sport (inauguration de la piscine de l'université de Nanterre) comme d'un dérivatif à la sexualité typique des sociétés fascistes. Sa nazification ne s'étendra pourtant pas à l'Allemagne de l'Est célèbre pour ses méthodes en la matière.
En mai 68 les CRS deviennent "des SS", le général De Gaulle devient "un dictateur fasciste" et la nouvelle gauche commence à traquer "le fascisme au quotidien". Toute mauvaise habitude allant de la vaisselle non faite à l'insulte entre automobilistes, en passant par la remontrance d'un prof ou la garde de sa propriété par un paysan ou un commerçant devient du fascisme. Deleuze et Gattari analysent la psychologie de masse du fascisme, Marcuse analyse la sexualité avec le même prisme. Le fascisme est partout, dans ce que l'ancien maoïste devenu psychanaliste et animateur télévisuel nommera plus tard "la France moisie". Cette banalisation était inévitable : la lutte contre le capitalisme se faisait depuis des décennies sous-couvert de "lutte anti-nazie". Le recul face au modèle tour à tour soviétique puis chinois, albanais, cambodgien et cubain s'accentuait d'autant que les informations circulaient et que les nouveaux courants moins rigidement marxistes n'avaient plus de modèle de société précis à proposer.
Le marxisme et sa construction de société collectiviste disparaissait : il ne pouvait plus se définir que par la négative, par opposition à la société existante. La nazification connut donc encore un nouveau développement.



à suivre.......




(1) "Le commissaire aux Affaires étrangères, Molotov, parle" Tract donnant des extraits du discours prononcé le 31 octobre 1939 devant le conseil supérieur des Soviets de l'URSS, imprimé en Allemagne et lancé par des avions allemands

(2) Histoire du PCF- A. Ferrat- Bibliothèque du mouvement ouvrier  - 1931- Bureau d'éditions 132 Faubourg Saint-Denis, Paris Xe - Editions Git-le-Coeur
page 203

(3) L'Humanité du soldat  "trait d'union des soldats, ouvriers, paysans" 1er mai 1940

(4) Jeunesse de France à l'action - appel de la Fédération des jeuneses communistes de France, diffusé fin-février 1940

(5) Première instruction pour les cadres du PCF, fin juin 1940. texte intégral de ces instructions dans A.Rossi Physiologie du Pari communiste français, p 395-402

(6) Le livre noir du communisme, collectif d'historiens dirigé par Stéphane Courtois, éditions Robert Laffont

(7) Un siècle d'Humanité, Roland Leroy, éditions Cherche-Midi
(8) idem p. 208
(9) ibidem p. 217
(10) ib.p.210
(11) ib.p 228
(12) ib.p 244